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Easter Island: Early Witnesses
Alphonse Pinart
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les traces grossières d'une tête gravée en creux; en outre, nous retrouvons les mitres ou coiffures des statues du pakaopa, qui, à l'époque où ces statues ont été renversées, ont roulé jusqu'à cet endroit.
Elles consistent en cylindres de lave rouge en partie enfouis dans le sol. Dans le principe ils devaient par un effet d'équilibre se maintenir droits sur les têtes des statues, du reste généralement plates. Ces cylindres ont une hauteur de soixante-dix à quatre-vingts centimètres sur un diamètre de cinquante à soixante centmètres.
Le pakaopa est construit sur un petit promontoire peu élevé, au pied duquel les vagues viennent se briser.
Aujourd'hui en ruine, cette terrasse devait présenter dans le principe une première plate-forme de cinquante mètres de haut sur deux cents mètres de long et dix mètres de large; les côtés en étaient inclinés et construits en dalles taillées sans beaucoup d'art. L'intérieur, autant qu'il nous a été donné d'en juger, était remplis de fragments de roches; au-dessus était construite une seconde terrasse de cinq mètres de large, de un mètre soixante-dix de haut et un mètre cinquante de long, et bâtie de grosses dalles placées de champ côte à côte; à leur partie inférieure, elles portaient une gorge dans laquelle venait s'encastrer une corniche sculptée, formée également de lave rouge de un mètre quarante de long sur soixante-dix centimètres de hauteur, et dont la face parfaitement plane portait un bas-relief de figures assez finement sculptées.
L'état de détérioration dans lequel nous trouvâmes ces ruines ne nous permit que très-difficilement d'en faire un dessin. Sur l'une d'entre elles cependant on reconnaît distinctement la représentation de têtes de morts. La face de la corniche, du côté de la mer, ne présente aucune trace de figures. Les statues étaient dressées dans l'espace compris entre les deux plates-formes.
L'intérieur de cette terrasse renfermait des chambres sépulcrales d'assez grandes dimensions, faites de dalles plates posées l'une sur l'autre, de telle façon que celles du sommet fermaient hermétiquement le sarcophage.
Les chambres mesurent en moyenne deux mètres de long sur quatre-vingts centimètres de large; un assez grand nombre de cadavres paraissent y avoir été déposés sans ordre régulier.
Ces sépultures sont anciennes. Aujourd'hui les insulaires profitent, comme nous l'avons dit, de tous les emplacements qu'ils rencontrent pour y ensevelir leurs morts, les déposant tantôt sous les statues tombées, tantôt dans les pakaopa, et se contentant d'enlever quelques pierres afin d'obtenir une cavité.
Plan de l'une des chambres sépulcrales du pakaopa d'Opulu.
Dessin de A. de Bar, d'après un croquis de M. A. Pinart.
Placées sur la terrasse inférieure la plus large, les statues avaient la face tournée du côté de la terrasse supérieure; cette position toutefois n'était pas caractéristique pour toutes les terrasses, car nous en avons vu sur lesquelles les statues avaient la face tournée dans le sens contraire, c'est-à-dire regardant vers l'intérieur de l'île.
D'un travail beaucoup plus grossier que celles des cratères, elles indiquent seulement la courbe du front et les méplats du nez. La place des yeux est marquée par deux fentes au-dessous du front. Des lignes concentriques et parallèles simulent une sorte de tatouage.
Leur forme générale est plate; en outre, elles sont taillées dans une roche tout à fait autre que celle des volcans. Cette roche consiste en une cendre volcanique compacte, au milieu de laquelle des portions de laves et de graviers se sont agglutinées. Extrêmement tendre, elle a dû être travaillée sur place à peu de distance des terrasses. Elle est de formation relativement récente, et l'on doit prévoir que, vu son état de friabilité, elle ne résistera pas longtemps à l'influence destructrice du climat de l'île de Pâques.
A droite de ce pakaopa on voit une statue renversée du type et de la même roche que celles du cratère de Roronoraka. Nous observons sur le sommet de la terrasse les petits monticules de pierre précédemment décrits. Nous en rencontrons pour ainsi dire à chaque pas. Les plates-formes, les tumulus, les endroits élevés en sont couverts et nous donnent le spectacle imposant d'une armée d'hommes accroupis. Tous ces restes abondent sur cette côte sud, chaque pointe s'avançant dans la mer supporte des pakaopas. A tout instant nous foulons des tumulus, et, de tous côtés, des amas de roches recouvrent des restes d'insulaires.
Nous sommes au centre d'une vaste nécropole et nous nous demandons ce que devait être cette population si nombreuse, sous quelle influence se sont éteintes ces tribus, nous pouvons le dire puissantes, si on les juge d'après les monuments cyclopéens dont elles ont jalonné leur passage.
Les habitants actuels de l'île de Pâques, nous l'avons vu, n'ont conservé aucun souvenir de ceux qui les ont précédés. Cette absence absolue de traditions donne à penser que les sculpteurs d'alors ne sont point les ancêtres des Kanakes d'aujourd'hui, et que ces générations ont disparu, soit par manque d'espace sur leurs îles, soit qu'elles aient émigré, soit enfin qu'elles aient été détruites par l'invasion polynésienne, d'où paraissent descendre les indigènes de Vaïhou.
De la crique d'Opulu une vaste plaine onduleuse s'étend jusqu'aux plateaux intérieurs de l'île au pied du Ronororaka. Cette longue étendue est couverte d'une graminée à végétation luxuriante où les troupeaux de moutons trouvent un abondant pâturage.
La distance du pakaopa d'Opulu à Vaïhou, où nous
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