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Easter Island: Early Witnesses

Alphonse Pinart


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pierres amoncelées régulièrement étaient échelonnés sur cette muraille et présentaient ceci de remarquable, qu'à une certaine distance ils simulaient des hommes accroupis.
   De forme tantôt circulaire, tantôt pyramidale, ces tumulus ont servi de sépulture. Des cases ruinées de formes circulaires et rectangulaires étaient mêlées à ces restes; elles étaient faites de fragments de lave; la toiture, très-probablement faite de matières végétales, avait entièrement disparu.
   De distance en distance, des excavations ovales ou circulaires, de un à deux mètres de profondeur, sur un diamètre de trois à douze mètres, sont éparses sur cet emplacement; un mur s'élève autour de l'ouverture de chacune, et au fond, croissent des bananiers, des cannes à sucre et des Dracæna terminalis (le tii des indigènes).
   Le mode de construction de ces sortes de jardins, que l'on pourrait appeler jardins en profondeur, s'explique par l'examen même du sol, qui, essentiellement formé de cendres volcaniques et de laves décomposées, par conséquent très-poreux, retient difficilement l'humiditté nécessaire à l'accroissement des végétaux.
   Il fallait donc, pour obvier à cet inconvénient, creuser jusqu'à un certain point, afin de rencontrer l'humidité indispensable aux espèces cultivées; peut-être aussi les constructeurs n'avaient-ils qu'un but, celui de garantir leurs plantations de l'action des vents de mer, soufflant toujours avec violence et ayant une influence destructrice sur la végétation.
   Sur l'un des côtés du mur circulaire des excavations, se trouve généralement une ouverture tournée vers le sud, donnant entrée à une chambre construite en pierres et ayant probablement servi d'habitation.
   Entre le volcan de Ronororaka et la baie de la Pérouse, le terrain est ondulé, mais ne présente pas de points élevés.
   Sous la pluie qui depuis le matin n'a pas cessé un instant, nous cheminons avec peine à travers de hautes verbénacées, quelques buissons de mimosa et une sorte de graminée, maigre flore composant le fond de la végétation. Non loin de nous, des grognements caractéristiques se font entendre: nous ne tardons pas à être en présence d'un troupeau de cochons que la pluie ne semblait inquiéter en aucune façon.
   Ces animaux, dont les ancêtres ont été très-probablement importés par les missionnaires et Dutrou-Bornier, sont devenus excessivement nombreux et vivent entièrement à l'état sauvage.
   M. le commandant Lafontaine et M. Berryer ne purent résister au désir d'exercer leur adresse aux dépends de ces bêtes inoffensives: ils en atteignirent une.
   Ces cochons sauvages sont fort redoutés des naturels, qui ne leur font jamais la chasse et s'occupent encore moins de les domestiquer.
   Les boeufs, les moutons et les chevaux sont assez nombreux. Il faut y ajouter le rat commun, très-multiplié dans la campagne, et quelques lapins de petite taille principalement cantonnés autour des villages. C'est là toute la faune de l'île.
   Continuant notre route, nous apercevons, se dressant à notre droite, les pics de Pui et Toatoa, l'un avec son sommet horizontal simulant une table, l'autre avec sa forme pyramidale; à gauche, le massif de Poike s'étend au loin, et devant nous se dresse le volcan de Ronororaka, au pied duquel nous arrivons et dont nous commençons l'ascension.
   Les pentes sont assez abruptes, d'un accès difficile et rendues surtout glissantes par la pluie qui ne discontinue pas; une heure, malgré tout, nous suffit pour en atteindre le cratère et ses statues.
   D'une étendue de six cents mètres dans son plus grand diamètre ovalaire, le cratère de Ronororaka présente une pente douce de quatre-vingts à cent mètres de profondeur, couverte de hautes verbénacées qui nous montent jusqu'à la ceinture; le fond est tapissé de joncs et de roseaux croissant au milieu de flaques d'eau sulfureuse.
   En nous dirigeant ves une sorte d'abri sous roche que nous décrirons plus loin, et où nous comptons établir notre campement, nous rencontrons les premières statues.
   Au nombre de quarante, disposées sur le flanc intérieur du cratère en trois groupes séparés, la face tournée vers le nord, elles se ressemblent toutes invariablement; plusieurs sont couchées; l'une d'elles est entièrement taillée, mais non encore séparée de la roche.
   Au point où nous sommes, le volcan forme une falaise à pic, de deux cents mètres de hauteur: c'est la partie la plus élevée. M. Escande s'occupe d'y prendre des observations au théodolithe. L'ossature de la montagne est trachytique, mélangée d'une forte quantité d'une roche grise, bréchiforme, sorte d'amalgame de cendres et de pierres ignées. Plusieurs statues sont taillées dans cette roche, quelques-unes sont entièrement trachytiques.
   Après être parvenus tout à fait au sommet par un sentier glissant couvert de lichens, en nous hissant de nos pieds et de nos mains sur les rochers, nous pûmes constater que la face sud-est de ce point culminant est couverte de statues à divers degrés de fabrication.
   L'ensemble de ce vaste atelier de statues gigantesques, les unes entièrement terminées, les autres à l'état d'ébauche et en voie d'exeécution, nous permit de nous rendre compte de la façon dont le travail était accompli et de la manière dont elles étaient érigées et mises en place après leur complet achèvement.
   L'exécution de ce travail qui de prime abord paraît considérable, qui a tant étonné les voyageurs et suggéré de nombreuses hypothèses, est cependant d'une grande simplicité.
   Les sculpteurs choisissaient toujours pour tailler leurs statues une roche placée sur un plan assez incliné; ils la façonnaient dans cette roche même, sur place, et ce n'était qu'après l'avoir terminée qu'ils s'occupaient de l'en détacher.

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