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Easter Island: Early Witnesses

Alphonse Pinart


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grottes. Notre premier soin fut d'en visiter quelques-unes; nous reconnûmes que les naturels ont coutume d'y chercher un refuge lorsqu'ils viennent dans ces parages; l'une de ces grottes contenait un squelette encore enveloppé de nattes et plusieurs crânes.
   Sur la gauche de la plage se dressait un petit tumulus, et, sur une pointe voisine, une grande quantité de pierres empilées avec ordre marquaient l'emplacement de sépultures anciennes.
   Une odeur cadavéreuse qui se répandait autour de nous, nous fit penser qu'une inhumation récente y avait été faite; nous en eûmes bientôt la certitude, et nous apprîmes plus tard que les naturels de l'île de Pâques ont la coutume de profiter des anciennes sépultures pour y déposer leurs morts, se contentant simplement d'enlever quelques pierres et de creuser à une faible profondeur pour y coucher le corps, qu'ils recouvrent à peine avec les pierres enlevées.
   Notre désir était de nous rendre à pied au village d'Hanga-Roa, et nous nous disposions à contourner un mamelon formant la pointe est de la baie de la Pérouse, lorsque nous aperçûmes plusieurs Kanakes à cheval se dirigeant vers nous.
    Aussitôt qu'ils nous virent, ils firent halte à cinquante pas environ; mais dès que nous leur eûmes adressé la parole, ils s'avancèrent sans crainte, en criant leur formule de salut: ia-ora-na.
   Ils étaient vêtus à l'européenne, et notre première question fut de leur demander si Dutrou-Bornier était encore dans l'île; ils nous répondirent qu'il était mort!
   Nous crûmes comprendre que cet évènement datait de peu de jours; la façon dont ils nous montraient leurs vêtements nous parut désigner quelque chose d'anormal, et nous ne fûmes pas éloignés de croire qu'ils avaient commis un meurtre sur la personne de Dutrou-Bornier, malgré leur version d'après laquelle, étant ivre, il se serait tué en tombant de cheval.
    Plus loin nous verrons que notre supposition était fausse.
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    Muraille avec tumulus. __ Ancien village d'Ovahé. __ Dessin de A. de Bar, d'après un croquis de M. A. Pinart.

   Si notre première question posée aux naturels était relative à Dutrou-Bornier, c'est que son nom pour nous, image de la patrie absente, était celui d'un homme courageux et dévoué qui, capitaine au long cours, n'avait pas craint de venir habiter ces contrées ingrates, dans le but de les améliorer. Fixé depuis plusieurs années dans l'île, ses efforts avaient été déjà couronnés de succès et laissaient entrevoir pour les Kanakes un avenir plein de promesses que la mort du patient colonisateur anéantissait peut-être pour toujours.
   Notre entretien avec les naturels nous avait retardés; l'heure avancée ne nous permettait pas de continuer notre route; nos soupçons sur la mort du capitaine nous engagèrent à rentrer à bord, et nous reprîmes le chemin du mouillage, précédés par nos Kanakes à cheval, auxquels vinrent se joindre deux Kanakes à pied, ceux-ci vêtus d'une sorte de veste et d'un chiffon maintenu entre les cuisses. Nous arrivâmes à la baie de la Pérouse à la nuit close, en passant par l'ancien village d'Ovahé.
   Le 2 avril, malgré la pluie, nous retournions à terre avec neuf hommes du bord, porteurs de nos instruments et de nos objets de campement, et nous retrouvions les Kanakes de la veille, qui, après avoir passé la nuit dans les grottes de la falaise, nous attendaient pour nous escorter jusqu'au volcan de Ronororaka.
   Notre premier soin fut de retourner à la grotte où la veille nous avions vu un squelette, afin de le recueillir. Un vieux Kanake, de ceux qui nous avaient rejoints, se montra rebelle quand nous voulûmes enlever ce squelette; il cherchait à nous faire comprendre qu'il représentait les restes d'une de ses femmes et que nous commettions une action blâmable; quelques feuilles de tabac finirent par calmer sa douleur vraie ou feinte, et, pour une quantité plus forte de la plante tant enviée, il nous promit même de nous faire trouver d'autres ossements.
   Derrière l'ancien village d'Ovahé, notre attention fut attirée par une longue muraille de pierres placées les unes sur les autres sans grande régularité, d'une longueur totale de cinquante mètres environ, sur quatre mètres de large et un mètre cinquante centimètres de haut; des ossements étaient mélangés avec les matériaux de construction; des fouilles ultérieures, pratiquées par M. Thoulon, docteur du Seignelay, nous procurèrent vingt crânes et deux squelettes complets.
   Un grand nombre de petits tumulus façonnées de

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