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établissait scientifiquement sa position géographique. Après la Pérouse, plusieurs aventuriers visitèrent l'île de Pâques; le schooner le Mancy, de New-London, ne craignait pas de se livrer à des exactions sur ses timides habitants; d'autres descentes excitèrent l'indignation des indigènes; aussi leur désir de vengeance faillit être fatal à Kotzebue, lorsqu'il voulut tenter un débarquement qu'il ne put effectuer avec l'équipage du Rurick qu'il commandait en 1816. Depuis cette époque jusqu'en 1826, Beechey seul donna de nouveaux renseignement sur l'île de Pâques, dont il étudia et décrivit d'une façon complète la partie septentrionale. Un long silence se fait jusqu'en 1868, époque où la Topaze y aborda; puis elle fut visitée en 1870 par la corvette chilienne le O'Higgins, et enfin, en 1872, la Flore mouillait dans ses parages. Perdue au milieu de l'immensité du Pacifique, l'île de Pâques, par son aspect triste et aride, son isolement, son manque absolu de ressources, était peu faite pour tenter l'avidité de ceux qui l'avaient explorée; elle renfermait cependant des monuments d'un aspect étrange, bien dignes de fixer l'attention des explorateurs; aussi tous ceux qui la visitèrent ne manquèrent pas de décrire les statues colossales taillées de main d'homme qu'elle portait sur ses sommets, comme autant de signaux propres à la caractériser; cela seul suffisait en effet pour la rendre célèbre. Ces statues gigantesques, mentionnées pour la première fois par les Hollandais, n'ont point encore disparu, et elles se dressent aujourd'hui, comme pour attester le passage d'une population puissante jadis, là où aujourd'hui quelques pauvres sauvages vivent avec peine, sans avoir conservé même les plus faibles traces d'une tradition relative à ceux qui les ont précédés. Tumulus de la baie de la Pérouse Dessin de A. de Bar, d'après un croquis de M. A. Pinart. Quel était ce peuple disparu? quels sont ces monuments respectés par les siècles et principalement localisés dans l'étroite enceinte de Vaïhou? Ce sont autant d'énigmes dont nous nous sommes efforcé de chercher la solution et que la relation exacte de notre rapide passage dans l'île parviendra peut-être à résoudre en partie. Ce fut aussi le jour de Pâques 1877, à huit heures et demie du matin, que le Seignelay à bord duquel nous étions, se montra en vue de l'île, et que, pour la première fois du haut du pont du navire, nous aperçûmes dans le lointain se dessiner à nos yeux le profil de ses côtes où la mer déferlait avec force. Située par 27°9' latitude sud et 111°45' longitude est, l'île de Pâques, par sa forme triangulaire et à cause même des trois principaux cônes volcaniques placés aux angles du triangle qui la limite, nous semblait, à la distance où nous étions du rivage, former un groupe de trois îlots. Ce fut seulement à dix heures que nous pûmes distinguer le cap Roggeween et une longue étendue de la côte est-sud-est. Basse dans cette partie, elle s'élève au nord-est entre le cap Roggeween et la pointe d'O'Higgins, où se dresse une falaise formée de laves rougeâtres, avec de nombreuses traces d'éboulements. Nous longions la partie sud de l'île avec l'intention d'aller mouiller vers l'ouest à la baie de Hanga-Roa; très-près de terre, nous remarquâmes, à l'entrée de la baie de la Pérouse, une petite crique sablonneuse où la mer était calme; néanmoins nous poursuivions notre route, et, après avoir doublé la pointe ouest de la baie de la Pérouse, nous rencontrions une autre petite crique de forme circulaire, appelée par les naturels baie d'Anakena. Il nous était facile de distinguer, du bord, des champs de bananiers et de cannes à sucre. En examinant la côte avec le plus grand soin, nous relevions le point nord-ouest le plus élevé de toute l'île et nous arrivions à un heure en vue du village de Mataveri, dont nous apercevions les maison sur la hauteur, et l'église de la mission construite dans le fond de la vallée. La mer était houleuse; d'immenses vagues battaient la côte; il nous était impossible de trouver là un abri facile et sûr, le petit port de Hanga-Piko ne nous ayant pas encore été révélé. Le rivage était désert; pas un naturel ne se montrait; nous signalions notre venue par un coup de canon et, virant de bord, nous mettions le cap sur la baie de la Pérouse, où nous mouillions à deux heures de l'après-midi. Quelques instants après, la baleinière nous conduisait à terre, et nous abordions dans la petite crique signalée plus haut et que nous nommions crique du Seignelay. Elle est ouverte au pied d'une falaise de laves rouges et poreuses, dont les flancs recèlent plusieurs |
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