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un os, déjà dûment sucé une première et une deuxième fois. En dehors de ces cas exceptionnels, l'uniformité est parfaite: toujours les patates, partout les patates, cuites à la mode océanienne; ici, comme dans toutes les îles, le trou creusé dans la terre, les pierres chauffées, et la cuisson à la vapeur. Tout cela s'exécute assez adroitement; et, sous ce rapport, les Kanacs pourraient nous donner des leçons. J'ai remarqué chez eux la plus grande attention à ne pas répandre le sang des animaux. Aux poules on tord le cou. Un jour que je me servis de mon couteau pour en saigner une, je manquai de faire tomber en pâmoison une femme qui me regardait faire. Quant aux chiens et aux chèvres, on creuse dans le sol un trou de la grandeur voulue, on y enterre la tête de l'animal; et, lorsque l'asphyxie est complète, on retire l'animal, on brûle sa peau, et, sans autre opération, on met le corps au four ordinaire avec les patates. Je crois que la vue du sang humain répugne également aux Kanacs. Bien qu'ils aient des couteaux, depuis le passage des Péruviens, ils ne s'en servent jamais dans leurs rixes. S'ils voulaient expédier quelqu'un pour l'autre monde, ils trouveraient plus simple de l'assommer à coups de pierres. Ainsi, lorsque Torometi n'était pas content de sa cuisine, il lapidait littéralement sa femme; c'est au point que la pauvre créature ne pouvait se remuer le lendemain. Il n'est plus question maintenant, mon très-révérend Père, que d'aventures qui me sont exclusivement personnelles, et que je me décide à vous raconter pour vous donner une connaissance plus exacte des moeurs du pays. Ces petits incidents présentent peu |
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