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Easter Island: Early Witnesses

Eugène Eyraud


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d'ailleurs se renouveler plus d'une fois durant mon séjour dans l'île de Pâques.
   Vous trouverez peut-être étrange que je me sois montré si accommodant. Certes, je n'ai pas cédé sans résistance; mais, en fin de compte, j'ai toujours cru prudent d'éviter les dernières extrémités. Les indigènes ne se portent pas d'ordinaire à la violence: je les ai vus discuter bruyamment et se brûler leurs cases, sans pour cela en venir aux mains. Je n'en suis pas moins convaincu que Torometi, une fois irrité, aurait trouvé bon tout moyen de se défaire de moi. Puis, Torometi n'était pas seul; j'avais affaire à la population entière de l'île; et quand, plus aguerri, je fis meilleure contenance, je n'obtins pas de meilleurs résultats. Si je fermais ma porte à ce solliciteur importun, il allait s'asseoir à cinquante pas de ma case, et bientôt sa femme, ses voisins, les passants se réunissant à lui, un affreux charivari commençait. On jetait des pierres, on me faisait voir clairement qu'il était plus avantageux pour moi d'abandonner l'objet convoité par Torometi, que de laisser démolir ma cabane ou d'attendre qu'on y mît le feu.
   Cependant j'avais besoin d'une chapelle. Dans les courts moments de liberté que me laissait l'enseignement de la prière et du catéchisme, je me mis à l'oeuvre. Il n'y avait pas à choisir pour les matériaux de construction; je n'avais à ma disposition que de la terre mêlée de paille et séchée au soleil. On était en été. Je dus me contenter de l'eau de mer pour détremper la terre, et d'herbes desséchées pour remplacer la paille. Malgré tout, j'aurais pu faire quelque chose de passable, si les pluies d'hiver n'étaient venues m'arrêter, et si j'avais eu de voisins plus scrupuleux. J'avais beau couper de l'herbe et la mettre sécher,

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