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Le temps du Mataveri approchait; il y avait un peu d'agitation. Torometi surtout montrait une défiance touujours croissante. Il me demanda le reste de mes effets, "pour les cacher, disait-il, car on avait le projet de nous voler." Comme ces braves gens se défient tous les uns des autres, et avec beaucoup de raison, ils sont toujours aux aguets pour défendre et cacher le peu qu'ils ont. Or les cachettes abondent. Toute l'île est percée de grottes profondes, les unes naturelles, les autres artificielles, qui ne communiquent au dehors que par une ouverture très-étroite. Quelques pierres suffisent pour en fermer et dissimuler l'entrée. La population entière de l'île, à un moment donné, pourrait disparaître en se cachant dans ces souterrains. C'était là que Torometi prétendait mettre en sûreté le reste de mon bien. Je refusai net. Mais Torometi, son frère, sa femme, renforcés des voisins, se saisissent de moi et rendent toute résistance impossible. Ils s'emparent de mes clefs, emportent les effets qu'ils trouvent, et ne me laissent guère que mon matelas et des boîtes qui renfermaient des instruments. L'opération terminée, on me rendit les clefs. Rien de semblable ne m'était encore arrivé. Sans doute Torometi avait souvent mis tout en oeuvre pour m'extorquer ce qu'il convoitait; il avait fait appel aux prières, aux manaces, au tapage; jamais il ne s'était porté à des violences proprement dites. La dernière barrière venait de tomber; il parut que désormais j'avais tout à craindre. Le seul parti à prendre, c'était de me soustraire par la fuite aux exigences de mon tyran. Mais jusqu'alors je na'vais pu chercher à m'éloigner sans qu'il m'arrêtât ou se mît à mes trousses; et il m'avait fallu le supplier à plusieurs |
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