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reprises, pour aller baptiser Pana et trois ou quatre autres mourants qui imploraient cette grâce. J'attendis donc une occasion favorable pour tromper la vigilance de mon Cerbère; elle se présenta bientôt. Des Kanacs d'Anapika se trouvent là pour transporter mon mince bagage, et je détale avec eux, malgré Torometi qui arrive au moment du départ. Les gens d'Anapika se montraient complaisants à l'égard du Papa: c'est qu'ils comptaient bien le dévaliser à leur tour. A peine avais-je eu le temps de me reposer chez eux, que Torometi se présenta, accompagné de quelques insulaires: ils venaient me chercher. Moi, je ne voulais point les suivre. Ce fut encore une longue lutte. A la fin, ils me renversèrent, me prirent, les uns par les bras, les autres par les pieds, et se mirent en route. Ils eurent la patience de me porter ainsi une demi-lieue. Les porteurs n'avaient pas l'allure très-douce, et je me sentais à moitié écartelé. J'en avais assez, et je leur annonçai que je voulais leur épargner la peine de me porter plus loin. Ils me déposèrent à terre, me rendirent les souliers qu'ils m'avaient arrachés pour se débarrasser de leur atteinte, et j'achevai le voyage à pied en leur compagnie. Une surprise m'attendait. Torometi avait rapporté dans ma case la plus grande partie des effets enlevés quelques jours auparavant. __ Tu m'as pris pour un voleur, s'écria-t-il; vois ce qui te manque. J'ai voulu tout simplement mettre ces objets en sûreté. Les voleurs sont caux de chez qui tu viens. Tu le sauras bientôt; car tu peux renoncer pour toujours à ce que tu as emporté; tout est perdu. Va maintenant chez ces gens-là, qui n'ont pas même une patate à te faire manger!" |
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