__ Le capitaine, ajouta-t-il, vous ramènera gratuitement à Tahiti. Il ne faut pas songer à aller à terre; on s'exposerait à perdre le canot et à gagner la maladie. __ Retourner à Tahiti! repris-je; vous plaisantez... Croyez-vous que je me suis embarqué pour le plaisir de voyager? L'armateur et le capitaine, en faisant le marché, savaient bien que la petite vérole était dans l'île: ce sont eux qui m'en ont donné la première nouvelle. Il fut décidé que je descendrais seul, et que je me rendrais par terre à Anakena avec Pana. Le navire devait s'y trouver, le lendemain matin, pour débarquer mes effets. Je saute dans le canot, et, pendant que Daniel me conduisait, je le prie de remporter un peu d'herbe que je lui donnerais sur le rivage, pour mes cinq moutons laissés à bord et presque morts de faim. __ Ah! dit-il en faisant la grimace, qui sait si le capitaine la voudra laisser entrer dans le navire? __ Je comprends, répliquai-je en souriant: vous pensez que la petite vérole s'embarquera avec l'herbe. Ne craignez rien. Bientôt je suis à terre, et j'arrache quelques poignées d'herbes que je vais porter moi-même au canot. L'épreuve de Daniel touchait à son terme: il prenait le large. La mienne commençait: je me trouvais au milieu de mes nouveaux hôtes. Assurément, il faut bien pardonner à Daniel d'avoir eu peur. Une multitude d'hommes, de femmes et d'enfants, qui pouvait monter à douze cents, n'avait rien de rassurant. Les hommes étaient armés d'une espèce de lance formée d'un bâton au bout duquel est fixée une pierre tranchante. Ces sauvages sont grands, |
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