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les femmes les assujettissent. Les femmes ne manquaient donc, pas plus que les hommes, au rassemblement; même c'était elles qui avaient attiré l'attention de Daniel: car il m'avait dit que ces sauvages portaient les cheveux réunis en faisceau et dressés perpendiculairement sur la tête. Or, ce sont principalement les femmes qui disposent ainsi leur chevelure. J'eus le temps de remarquer ces particularités; mais j'avais autre chose qui me tenait au coeur à mon entrée dans l'île. Je cherchais des yeux les Kanacs, mes compagnons de voyage. Je les aperçus au milieu de la cohue, à peu près aussi embarrassés que moi. Les compatriotes de Pana et des autres ne pensaient guère à célébrer leur retour; ils avaient trouvés plus pressé de mettre la main sur leurs effets. Je m'approche d'eux et leur annonce l'arrivée du capitaine à Anakena, pour le lendemain matin. Ils ne font nulle attention à mes paroles. Je reviens plusieurs fois à la charge, et Pana me répond enfin que nous partirions pour Anakena dès que nous aurions avalé les pommes de terre qui étaient au feu. J'avais faim, il est vrai; mais j'avais encore plus envie de me voir éloigné de cette bruyante réunion. Les pommes de terre mangées, il s'agissait d'aller à Anakena. Mais chaque fois que nous tentions de nous échapper, Pana et moi, on nous mettait la main au collet. Fatigué d'une lutte inutile, et sans espoir de me débarrasser de mes vigilants gardiens, je voulus faire des signaux au navire qui était au large. J'agite mon chapeau, mon mouchoir, je crie de mon mieux: peine perdue! Nous essayons encore de fuir, en nous glissant derrière une roche; mais il se trouve là plusieurs individus qui laissent passer Pana, et me ramènent au milieu de la foule. |
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