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le traitement consiste à le sortir de la case pendant le jour, et à l'y replacer pendant la nuit. Si le malade vient à mourir, on l'enveloppe dans une natte de paille, un peu plus longue que le cadavre; on serre la natte avec du fil de purau, et l'on dépose le tout en face de la maison, sur le rivage. Ces corps, enveloppés de leurs nattes, sont placés sur un tas d pierres ou sur une espèce de chevalet de bois, la tête tournée vers la mer. Comme toute la population est répandue autour de l'île, les cadavres desséchés se rencontrent tout le long de la côte, sans qu'on ait l'air d'y faire grande attention. Je ne sais quelle idée ces pauvres gens ont sur la mort et sur l'autre vie. Un jour, à l'occasion d'un vol commis par Torometi, je voulus lui parler de l'autre vie et du compte qu'il y aurait à rendre. Pana venait de mourir. Je le lui rappelai, en ajoutant que bientôt il en serait de même de lui. Je ne me doutais pas de l'effet qu'allaient produire mes paroles. A peine avais-je dis: Tu mourras, que Torometi fut frappé comme d'un coup de foudre. Il fut en proie à un tremblement violent, ses traits et ses gestes exprimaient la terreur et la colère. Les assistants en faisaient autant. On n'entendait plus qu'un cri: "Le Papa a dit: E pohe oe!" Il semblait que j'avais prononcé une parole magique. En vain essayai-je d'adoucir l'effet de la terrible parole, en répétant que je ne savais pas bien la langue, que je ne leur voulais aucun mal: efforts inutiles! Tout le monde était atterré, et je craignis un moment de payer cher mon imprudence. Cette impression dura plus de quinze jours. Chacun sut que j'avais dit: "Tu mourras," et je fus signalé longtemps comme coupable d'un crime inouï. Je ne me suis expliqué ce fait qu'en supposant que la parole |
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